« Mes nuits sont longues dans l'autre monde...» En entrant dans le programme d’internat en chirurgie, Edena avait compris qu’il n’était pas toujours possible de dormir dix heures par nuit. Cela avait été un défi pendant les premières semaines d’internat, apprendre à fonctionner avec cinq heure de sommeil dans le corps. Avec le temps, par contre, elle s’était habituée à ne dormir que très peu d’heures. Il était évident que depuis le début de sa grossesse, elle était bien moins fonctionnelle avec moins d’heure de sommeil. Le retour d’Alexander lui avait par contre donné un peu de patience supplémentaire. C’était un souci de moins à se faire. Alexander n’était pas en train de mourir dans une guerre inutile et absurde. Edena se réveilla à quatre heures trente – une heure juste avant sa garde. Encore un autre matin où son envie de travailler frôlait le zéro. Dans le lit, elle était si bien collée contre son Alexander. Par simple esprit de vengance, elle attaqua froidement Alexander avec un oreiller. Si elle n’avait pas le droit de dormir, il n’avait pas plus le droit. C’était son jour de congé, et? Edena sourit doucement en l’embrassant puis en le laissant se rendormir. Elle aurait aimé le trainer de force dans la douche… mais ce n’était pas une bonne idée. Elle allait à tous les coups être en retard si jamais elle l’entrainait dans la douche. Edena entra sous l’eau chaude avec ces idées lubriques. Elle avait déjà dû couper le café, mais elle ne se voyait que très mal prendre sa douche à l’eau tiède. Elle attendrait que le ventre soit un peu plus rond. La jeune demoiselle résidente se contempla dans le miroir pendant un moment. Elle avait une jolie courbe que les gens commençaient à remarquer et Edena ne s’en plaignait pas parce que cela pouvait expliquer certains de ses impressionnantes sautes d’humeurs. Elle s’habilla rapidement. Définitivement, sa prochaine journée de congé serait passée dans un centre d’achat pour s’acheter des vêtements de maternité. Il lui fallut quinze minutes de bataille avec un pantalon avant d’opter pour un pantalon ample de type jogging – avait-elle vraiment un si gros ventre que ça ou avait-elle toujours porté des vêtements serrés? Elle enfila un chandail rose qui détonnait avec le gris triste du pantalon. Paire d’espadrille dans les pieds, elle enfila son manteau en attrapant son sac à lunch qu’elle avait fait la veille. Son appétit était progressivement revenu – fait qu’elle ne regrettait nullement. Il s’en suivit l’habituel trajet jusqu’au centre hospitalier. Elle écoutait à fond de la musique du tout début jusqu’à l’hôpital. Dieu merci, elle n’était pas à des kilomètres du SGMWH sinon, une crise de larme aurait été assurée dans les premières vingt minutes du trajet. Elle passa dans la salle des résidents pour enfiler l’uniforme bleu poudre des résidents. Elle avait réussi à en commander d’une taille supplémentaire, mais ces derniers n’étaient toujours pas arrivés et Edena se sentait un peu trop serré dans les anciens. Elle alla chercher ses internes dans leurs vestiaires. Elle donna le petit discours habituel sur les pré-rounds puis alla chercher son thé – à défaut de pouvoir prendre un café. Il s’en suivit de la routine habituelle. Deux accouchements qu’il fallait superviser et un cas étrange. Midi fut bien vite arrivé et Edena ne s’en plaignait pas. Elle se mourrait d’un bon massage de dos, probablement un de pied mais aussi de manger. C’est avec une vitesse qu’elle s’enligna vers la salle des résidents avec l’intention de ne prendre que son sac à lunch et de filer vitesse de l’éclair vers la cafétéria. Mais bonne nouvelle, il y avait Lennox, un de ses bons amis quand même dans la salle. Décidant de l’aborder, Edena eut un petit sourire en disant d’une voix heureuse : Edena P. Miller – Salut! Tu vas bien? C’est ainsi, d’une manière toute à fait banale que la conversation s’engagea entre les deux. Leur relation étaient quelque peu étrange, ils parlaient souvent de tout et de rien. Mais Edena avait appris à ne pas lui poser des questions sur sa femme et lui ne lui en posait pas sur sa grossesse de plus en plus évidente. Ils parlaient pendant une quinzaine de minutes lorsque la porte s’ouvrit à la volée. Deux internes furent précipités dans la pièce. Le visage d’Edena prit une teinte livide en voyant l’homme en habit blanc. Non! Ce devait être un exercice! Si c’était dangereux pour le bébé? Si! NON! Non! Non! C’était un exercice. Ca ne pouvait pas être la vérité. L’homme au costume de cosmonaute – Pour des mesures de sécurité, ne vous demandons de ne pas quitter cette salle. Vous êtes dorénavant sous les ordres du Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladies. Si le regard de la jeune future maman aurait pu tuer, autant l’homme que les deux internes qui venaient d’entrer dans la pièce seraient mort sur le coup. Et puis, qu’est-ce que c’était que cette idiotie, d’habitude on devait prévenir un peu, non? Et puis que diable se passait-il? Et pourquoi deux internes n’avaient même pas eu être reconduit jusqu’à leur salle, elle était tout près! Edena soupira longuement en croisant les bras, boudeuse. Dire que la journée avait bien commencé!

Une garde de plus au compteur. Ce n'était pas pour une fois avec ironie que Lennox pensait à ça. Mais plus comme une autre victoire. Toutes les gardes ne se terminaient pas ainsi hélas. Parfois, même avec tous les efforts du monde, les patients mourraients, mais aujourd'hui personne n'avait passer l'arme à gauche durant sa garde. Une petite victoire en soi non ? Enfin c'est ainsi en tout cas que Len' décidait de voir les choses. Heureusement pour lui, contrairement à d'autres de ses collècues, dormir peu ne lui posait aucun problème. Il pouvait facilement s'endormir, où que ce soit et dans n'importe quelle position. Il passait rapidement à la phase de sommeil réparateur, voilà pourquoi dormir seulement quelques heures par nuit ne lui avait jamais compliqué la vie. C'était un plus quand on choisit de faire un tel métier ou n'importe quel métier demandant autant de sacrifice et d'engagement physique et personnel que celui-ci. Mais bon, parfois quand même, une petite grasse'mat, ça serait bien. Et si en plus il pouvait la partager avec quelqu'un, ça serait le summum. Mais pour l'instant, avec Mara, ils prennaient leur temps. Ne pas griller les étapes pour risquer de tout perdre bêtement.
A bien y penser, ils risquaient de tout perdre chaque jour... Bon ok, peut-être pas à chaque seconde mais entre les patients violents et les risques qu'on ne soupçonne pas -contaminations pour ne citer qu'elles-. Mais bon chacun acceptait cet état de fait en connaissance de cause. Enfin il aimait à le penser. Bref, sa garde s'achevait enfin. Pas qu'elle fut particulièrement intense -il avait déjà connu bien pire- mais il était resté longtemps au bloc. Un accidenté de la route était arrivé aux urgences présentant de multiples plaies mais là n'était pas son plus gros problème. Non, son plus gros problème était plutôt le bout de tube en acier qui lui transperçait l'abdomen, tombé de la camionnette devant son véhicule. Collision mulitple, un vrai carnage. Mais ironie du sort, c'était justement ce tube de métal qui l'avait maintenu en vie, stoppant l'hémoragie. Voilà pourquoi cette intervention était longue, il avait fallu s'assurer que le patient tienne le coup une fois qu'on aurait retiré la tige de métal de son torse. C'était impressionnant et complexe, car avec le métal, impossible de faire une radio, trop dangeureux... Mais le type avait tenu le coup, même s'il avait fallu lui passer au bas mot au moins une douzaine de poche de sang. Bref en sortant, Lennox n'avait qu'une envie, prendre une douche et aller s'attraper de quoi boire.

Il se rendit donc dans la salle des résidents dès qu'il en eut l'occasion, après un bref détour par la cafétaria pour se prendre une bouteille d'eau qu'il déposa dans son casier tout en retirant son haut de blouse. Il en avait toujours deux ou trois de rechange, juste au cas où. Il retira le reste de ses vêtements dans la foulée et alla se doucher. L'eau chaude ruissellante sur son front l'apaisait instantanément. Il resta quelques minutes immobile, la tête sous l'eau puis se doucha à proprement dit, histoire de ne pas forcément sentir le fauve en rentrant chez lui, même s'il n'y aurait personne pour l'attendre. Une fois sortit, serviette à la taille, il regagna son casier et enfila sa chemise, sa garde se terminait dans quelques minutes, il pouvait donc prendre un peu d'avance pour une fois. Et puis personne ne viendrait le chercher ici pour l'instant.
Il passait les derniers boutons de sa chemise quand la porte s'ouvrit pour laisser entrer Edena. Lennox lui sourit en retour pour la saluer. « Salut. J'viens de finir ma garde, un peu crevé du coup mais ça va, et toi ? » Non, il n'allait pas lui demander comment allait le bébé, c'était un accord tacite entre eux. Elle n'évoquait pas sa défunte femme, lui ne lui parlait jamais de sa grossesse. Mais il était content de la voir tout de même. Il n'avait pas trop eu le temps de se croiser récemment et il comptait en profiter pour prendre de ses nouvelles du coup. Il avait cru comprendre que son chéri était rentré de son dernier déploiement, il était content pour elle, il savait combien l'absence d'un proche pouvait vous creuser... Bref, ils discutaient de banalités quand la porte s'ouvrit à nouveau à la volée, deux internes dont Hailey, se retrouvant propulsés à l'intérieur par un type en combinaison. Pas bon signe.

« Pourquoi est-ce que le CDC interviendrait ici ? Hey! Hey, revenez! » Le CDC ? Pas bon du tout même. Bon, ça pouvait être un exercice, mais son flair lui disait que non. Vu l'air du type, ça n'était pas une plaisanterie. Et qui disait quarantaine, disait problème en cascade. Lui qui avait l'espace d'un court instant pouvoir regagner son lit après avoir bosser une bonne partie de la nuit. Il regarda vers les deux internes alors. « Est-ce que l'un d'entre vous sait ce qui se trame ici ? Vous allez bien ? » Peut-être en sauraient-ils plus qu'eux sur la question, bien qu'il en doutait. Il regarda Hailey un peu plus longuement. Ils étaient restés en de bons termes depuis la rupture. Et quand bien même ils n'étaient plus ensemble, Lennox s'en faisait toujours pour la jeune femme, même s'il la savait parfaitement capable de se prendre en charge. Mais maintenant oui, il se demandait bien ce qui les attendaient, car il ne voulait surtout pas que Edena ou Hailey aient quoi que ce soit...